Interview de Christophe Cassegrain, photographe de paysage

Christophe Cassegrain est un photographe de paysage internationalement reconnu, notamment pour son travail à la chambre photographique sur le continuent Nord-Américain. Dans cette interview spécialement accordée à Pose partage, il nous livre quelques-uns de ses secrets de fabrique, de sa technique à ses inspirations, en passant par son parcours de photographe démarré en 1986…

Christophe Cassegrain, je connais votre travail depuis un bout de temps, et une caractéristique de vos images m'a toujours impressionné : la chaleur des couleurs. Quel est votre recette magique pour rendre de telles tonalités ?

Je pense que plusieurs facteurs rentrent en jeu comme par exemple le choix du film (je continue à travailler en argentique) avec la Velvia RVP et la Velvia 100 de chez Fuji. Mais se focaliser, lors de la prise de vue, sur le moment propice où la lumière va sublimer le paysage participe à rendre ces instants magiques et hauts en couleurs. Il y a des moments, dans une journée, où un paysage capte mieux la lumière qu'un autre. Pour les paysages désertiques, ces moments sont plutôt en tout début et en toute fin de journée. Dans le cas d'un paysage de sous-bois, l'approche sera différente : un ciel voilé et plutôt en milieu de journée fera mieux ressortir le sous-bois par l'absence d'ombre.

Christophe Cassegrin
Cotton Cove Sunrise, photographie © C. Cassegrain

Quel événement a déclenché en vous, un jour de 1986, cette passion pour la photographie ?

Il y a un peu plus de 30 ans, en voyage aux États-Unis, j'ai assisté à un levé de soleil sur le Grand Canyon en Arizona. L'immensité du décor, les différentes couleurs de la roche et le soleil qui s'élevait à l'horizon ont contribué à l'envie d'immortaliser cet instant.

C'est à partir de 1986 que j'ai commencé à me rendre régulièrement en Amérique du Nord pour photographier, de long en large, ce continent. Aujourd'hui, dans l'immensité des paysages de la côte ouest des Amériques, je repense à l'expédition de Lewis et Clark, qui, en 1804, ont sillonné ces étendues sauvages.

Je crois savoir que vous êtes l'un des rares photographes à travailler aujourd'hui encore à la chambre photographique. Quelles sont les motivations de ce choix ?

Travailler à la chambre photographique 4x5 inches s'est imposé naturellement. Elle permet d'enregistrer plus nettement les détails d'un paysage comme par exemple la rosée du matin dans l'herbe, les nervures des feuilles rouges et jaunes des arbres en automne, ou encore les veines de la roche dans un paysage désertique et tout cela sur un film argentique de 9x12 cm. Les difficultés techniques liées à la prise de vue vous incitent à réfléchir davantage à l'harmonie des formes, des volumes et de la lumière qui composent un paysage. Toutes les photographies se font uniquement avec la lumière naturelle pour tenter de capturer toutes les subtilités du sujet.

Prendre son temps fait aussi partie de ces moments particuliers d'une prise de vue à la chambre.

Cela pourrait paraître anodin, mais le voile, que l'on met sur soi pour faire le noir et la mise au point sur le dépoli de la chambre, contribue aussi à faire le vide dans sa tête et à faire corps avec le paysage que l'on photographie. On est dans l'image et cela rend l'instant de la prise de vue magique.

Prendre son temps fait aussi partie de ces moments particuliers d'une prise de vue à la chambre. L'installation et les différents réglages prennent entre 10 et 20 minutes. On a donc le temps d'apprécier cette nature !

Vos photos ont fait le tour du monde, dans des lieux prestigieux (Salon mondial de l'image, Fotokina…). Quel type de tirage utilisez-vous pour les expos, et comment sélectionnez-vous vos lieux d'exposition ?

La prise de vue n'est pas une fin en soi. Faire ensuite partager ces lieux, ces formes, ces volumes qui se jouent de la lumière par un tirage de qualité est l'aboutissement de la prise de vue. J'ai découvert les tirages sur papier Ilfochrome il y a un peu plus de dix ans. Roland Dufau fait les tirages et c'est tout sauf du quantitatif ! Il est à l'écoute du photographe pour mettre en valeur l'image tirée.

Les différentes expos réalisées sont liées au hasard des rencontres mais aussi à ce fabuleux outil qu'est Internet pour présenter son travail.

Christophe Cassegrain photographe
White Pocket Shell, photographie © C. Cassegrain

Vous vous êtes spécialisé, depuis quelques années, dans la photographie du continent Nord-Américain. Qu'est-ce qui vous fascine tant dans cet endroit que vous ne retrouvez pas en Europe ?

La diversité des paysages, leur étendue et une lumière bien particulière. Dans la ville de Page (Arizona), par exemple, il n'est pas rare, durant la journée, que les nuages soient rosés par la présence du Lac Powell et de son désert rouge. La réverbération de cette lumière a une incidence lors de la prise de vue et transcende plus encore cette nature. Nul besoin d'utiliser des filtres, le paysage se suffit à lui même.

Vous semblez avoir une vision très appliquée et rigoureuse de la photographie : nombreux repérages, compréhension de l'incidence de la lumière sur les sujets, recherche des conditions climatiques optimales… Que pensez-vous de la tendance actuelle du « tout photographier, tout de suite, en tout automatique » ?

« Pose partage » a alors toute sa place ;-). Le quantitatif n'a jamais fait bon ménage avec une passion ou un métier lié au domaine artistique ! Faire découvrir la photographie en faisant comprendre pourquoi l'on obtient tel ou tel résultat, prendre son temps, adapter la focale à ce que l'on va photographier permet bien souvent d'obtenir une image originale et unique et non pas standardisée.

Photographie chambre photographique
Little Finland Tauru, photographie © C. Cassegrain

Votre site, le bien nommé « f-45.com » connaît un succès mérité sur le Web. Que conseillez-vous aux photographes de Photo facile qui souhaitent se lancer, publier leur travail et faire de la photographie leur métier ?

« Bien sur, il y aura toujours ceux qui s'intéressent à la technique, qui demandent "Comment ?", alors que d'autres d'une nature plus curieuse demanderont "Pourquoi ?". Personnellement, j'ai toujours préféré l'inspiration à l'information. » — Man Ray

Avec l'arrivée du numérique, l'image est devenue un bien de consommation et non plus d'information ! Peut être faut-il faire plus confiance à son inspiration ?

Mais le domaine photographique est si varié qu'il y a de la place pour tout le monde je pense.

Souhaitez-vous nous parler de vos projets à venir ?

Une exposition de 8 tirages Ilfochrome à la foire de Bièvres le dimanche 6 juin 2010. Continuer à sillonner le continent Nord-Américain à la recherche d'une nature généreuse en images…


NDLR : sur les photographies envoyées par Christophe et que vous avez pu admirer sur cette page, vous aurez peut-être remarqué des marques blanches en bas, de chaque côté. Voici une note de l'auteur accompagnant les clichés : « Vous pouvez les recadrer si les marques blanches en bas de l'image (pinces de séchage) vous gênent… ». Bien entendu, je les ai laissées, leur trouvant un certain charme et un témoignage du réel attachement de l'auteur à l'essentiel

Autoportrait

Né en France en 1966, je me passionne dés 1986 pour la photographie et plus particulièrement pour les prises de vues de paysages naturels. Intéressé par les formes, les volumes et la matière qui constituent un paysage, je photographie à la chambre 4 x 5 inch la nature telle qu’elle se présente : une vision du paysage dégagée de tout environnement humain, social ou culturel en se basant essentiellement sur le choix du sujet qui exprime la pureté des lignes, le rendu de la matière et de la lumière tout en essayant de nourrir le spectateur d’une émotion aussi intense que celle éprouvée lors de la prise de vue. Depuis plusieurs années, une grande partie de mon travail photographique est réalisé sur le continent Nord-Américain où je m’inspire de cette phrase de Wim Wenders « …cette façon de disparaître tout à fait dans ce que l'on voit, de ne plus éprouver le besoin d'interpréter, mais de strictement regarder ».

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